dimanche 10 avril 2011

Essai #2

Objet: Contrepied de http://delphineduplainchangementstechnologiq.blogspot.com/ 


Dans son essai sur une innovation technologique, Delphine Duplain présente le 7e art avec le point de vue d’un publicitaire. Elle y parle notamment  de la technique du placement de produits et de ses bienfaits. Entre autres, lors de l’écoute d’un film, les défenses du récepteur sont abaissées, ce qui augmente l’effet du message sur ce dernier. Un autre avantage, selon l’auteur, est que cette forme de publicité est acceptée par le public. De plus, les placements de produits contribuent à propager une image positive des marques mise de l’avant au cinéma. Dernièrement, elle soutient que l’effet peut être négatif ou limité si la quantité de marques exposée est trop grande.  Sommes toutes, on y comprend que dans cette situation, tous les participants sont gagnants. Les publicitaires voient leurs messages exposés à un grand nombre de personnes, les producteurs cinématographiques peuvent financer leurs films et ultimement, même les récepteurs sont favorables à la technique.

Malheureusement, je ne partage pas l’enthousiasme de Delphine Duplain à  ce sujet. Du point de vue du public, cette technique publicitaire a de grandes conséquences.  

Un manque d’éthique

Mon premier argument concerne l’éthique de cette pratique. En effet, Philippe Lasalle, auteur du livre « Le placement de produits dans les films » affirme que l'important n'est pas de cacher le placement de produits mais « d'en cacher son intention commerciale en l'introduisant de la manière la plus naturelle possible ». (Mazzacurati, 2010) À mon avis, c’est une pratique tout à fait inacceptable. Bien sûr, beaucoup d’adultes ne sont pas naïfs et se rendent compte lorsque l’on tente de les convaincre d’acheter un produit, mais quant est-il des plus jeunes, des enfants, des adolescents et des jeunes adultes? Même les films classés pour tous sont truffés de placement de produits et tous les spectateurs y sont exposés. Marie-Anne Boutoleau, membre de l’ACRIMED (Observatoire des médias, Action-Critique-Médias) donne un autre nom à la technique de placement de produits. Il s’agit de la publicité clandestine. Elle explique pourquoi ici : « Contrairement à la publicité « classique », qui se présente comme telle, le placement de produit mise sur l’ignorance du spectateur puisque celui-ci n’est en principe pas averti qu’il a affaire à de la publicité  pour toucher plus sûrement son inconscient. (ACRIMED, 2009) Mais une question demeure. Pourquoi être éthique en publicité? Le conseil de l’éthique publicitaire (CEP) donne deux raisons fondamentales. La première est que la nature centrale de la publicité est de servir des intérêts mercantiles, en utilisant la séduction et l’ambigüité. Il faut donc se donner des balises pour éviter de tomber dans la tromperie. La deuxième est qu’elle sert le public. Elle doit donc respecter ce dernier et veiller à l’acceptabilité sociale des messages. (CEP, 2005)  

Une industrie qui explose, sans réglementation  

  • Depuis 1998, les scènes où figurent des fumeurs ont augmenté de 50 % dans les films cotés 13 ans+. (Réseau Éducation-Médias, 2009)

  • Les adolescents non-fumeurs qui voient leurs vedettes préférées fumer à l’écran sont 16 fois plus susceptibles d’adopter une attitude positive envers le tabagisme dans l’avenir. (Réseau Éducation-Médias, 2009)


Mon deuxième argument concerne le manque total de contrôle dans la pratique de cette technique. En effet, depuis quelques années, le placement de produits dans le cinéma est devenu très populaire. Stéphane Debenedetti et Isabelle Fontaine affirment que: « Depuis une dizaine d'années, en effet, on constate un essor quantitatif sans précédent du placement de marques dans les films comme outil de communication des entreprises, en termes de placements, de nombre de films concernés, de création d'agences de communication spécialisées (Marques et Film, Casablanca…), ou encore d'articles de presse et de travaux scientifiques abordant le sujet. » (Debenedetti, Fontaine, 2004) On peut facilement comprendre pourquoi en comparant les prix pour la publicité dans différents médias. Les prix sont plutôt modestes si on compare à ce que coûte un 30 secondes à la télévision à heure de grande écoute. « Le placement de produit qui constitue une forme de publicité à part entière et générant beaucoup d’argent n’a fait l’objet d’aucune législation particulière depuis son apparition dans le paysage cinématographique. En effet, les législateurs n’ont jamais eu l’occasion de débattre sur ce point précis qu’est le placement de produit au cinéma. » (Jurispedia, 2010) Il faut donc légiférer le plus rapidement possible afin de contrôler les effets négatifs qui pourraient y avoir sur le public.      



Dans le film "Les amours imaginaires", la cigarette y apparaît à environ toutes les 59 secondes. Il a d'ailleurs reçu le prix "Cendrier" pour avoir véhiculé une image "cool et glamour" du tabagisme auprès des jeunes. (Presse Canadienne, 2011)







Un danger réel

Un effet négatif bien réel des placements de produits au cinéma survient lorsque cette technique est utilisée pour promouvoir des produits néfastes pour la santé.

Dans mon exemple, je reprends la vidéo proposée par ma collègue de classe Delphine, car l’extrait de Superman et la marque de cigarette Marlboro est une démonstration bien concrète. Il est inacceptable que des produits aussi dangereux pour la santé soient soumis aux spectateurs par le cinéma, là où leur jugement critique est moindre et où l’inconscient est affecté, comme nous l’avons vu précédemment dans cet essai.











  

En 2003, une étude a été réalisée par le Dartmouth Medical School auprès de 2600 jeunes de 10 à 14 ans qui n’avaient jamais fumé, et ce, sur une période de 13 à 26 mois. Les chercheurs ont découvert que sur les 10% des jeunes suivis qui avaient commencé à fumer durant cette période, ceux qui avaient été exposés à l’usage de la cigarette par des acteurs lors de projections cinématographiques étaient trois fois plus à risque de commencer à fumer que les autres qui n’y étaient pas exposés. (Réseau Éducation-Médias, 2009) Évidemment, nous savons maintenant les conséquences désastreuses sur le plan économique et social reliés à la consommation du tabac.  Selon une étude réalisée en 2002 par le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies (CCLAT), les conséquences néfastes entraînées par le tabagisme en coûtent près de 17 milliards de dollars à l’économie canadienne chaque année. (Info-tabac, 2006) Il est donc inacceptable que l’industrie du cinéma soit complice des campagnes publicitaires lorsque les effets sur le public et sur la société sont si désastreux.  


En conclusion, il ne me reste qu’à réaffirmer mes craintes quand au placement publicitaire dans l’industrie du cinéma. Du point de vue du public, c’est un danger réel, car cette technique publicitaire est en grande expansion, ne possède pas de barrières légales et est dénuée de tout fondement éthique. Les années à venir seront donc cruciales pour la réglementation dans ce domaine. Si le laisser-faire se poursuit, les publicitaires prendront le contrôle complet de l’industrie du 7e art,  aux dépens du public qui sera sans défense quant aux intrusions publicitaires. C'est à ce demander si les gens allant au cinéma finiront par payer pour aller voir, sans même s'en rendre compte, une gigantesque publicité de deux heures. 

Sources: 

Réseau Éducation-Médias. 2009. Un écran de fumée: Le tabac au cinéma. (En Ligne). URL: http://www.media-awareness.ca/francais/ressources/educatif/exercises/ecran_fumee.cfm. Consulté le 9 avril 2011.  

La Presse Canadienne. 9 mars 2011. Plus de tabac dans les films québécois. (En Ligne). URL: http://moncinema.cyberpresse.ca/nouvelles-et-critiques/nouvelles/nouvelle-cinema/14198-plus-de-tabac-dans-les-films-quebecois.html. Consulté le 8 avril 2011. 

FAO. 2004. L'économie mondiale du tabac. (En Ligne). URL: http://www.fao.org/docrep/007/y4997f/y4997f00.htm#Contents. Consulté le 9 avril 2011. 

Info-tabac. Juillet 2006. Le tabagisme: un gouffre de 17 milliards. (En Ligne). URL: http://www.info-tabac.ca/bull64/abus_substances.htm. Consulté le 8 avril 2011. 

Jurispedia. 2010. Le placement de produit au cinéma. (En Ligne). URL: http://fr.jurispedia.org/index.php/Placement_de_produit_au_cin%C3%A9ma_(fr). Consulté le 8 avril 2011. 

Stéphane Debenedetti, Isabelle Fontaine. 2004. Le cinémarque: Septième art, publicité et placement des marques. (En Ligne). URL: http://www.histoiredesmedias.com/Le-cinemarque-Septieme-Art.html. Consulté le 10 avril 2011. 


Conseil de l'éthique publicitaire. 2011. (En Ligne). URL: http://www.cep-pub.org/-L-ethique-en-publicite-.html. Consulté le 8 avril 2011. 

Marie-Anne Boutoleau. 2009. ACRIMED. (En Ligne). URL: http://www.acrimed.org/article3211.html. Consulté le 8 avril 2011. 

Iris Mazzacurati. 2010. L'art délicat du placement de produit. L'express. (En Ligne). URL: http://www.lexpress.fr/culture/cinema/l-art-delicat-du-placement-de-produits_937555.html. Consulté le 9 avril 2011. 





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